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Photo du rédacteurViolaine Tewari

Dans les coulisses de l'association Les Cigognes de l'Espoir

Dernière mise à jour : 19 juin 2023

Cela fait maintenant trois ans que je collabore avec l’association les Cigognes de l’espoir qui vient en aide aux personnes souffrant d’infertilité. Depuis le mois de décembre 2022, je la représente bénévolement pour la région PACA.


À l’occasion du congrès Endonice sur l’endométriose qui s’est tenu à Nice le 26 mai 2023, son vice-président, Philippe Roussel, nous a rendu visite pendant plusieurs jours. J’ai trouvé intéressant de pouvoir réaliser son interview, afin que les adhérents et personnes intéressées par l’association puissent connaître un peu mieux l’histoire derrière la création des Cigognes de l’espoir ainsi que son fonctionnement.


C’est ainsi que par une belle matinée, nous avons pris le temps avec Philippe, installés à la buvette du parc des Arènes de Cimiez, assis sous les oliviers, avec un bon pan bagna, pour recueillir ses propos.


Pour commencer, Philippe, peux-tu nous raconter ton parcours personnel de PMA ?

Ce parcours a duré 10 ans. Quand nous avons décidé avec ma compagne de faire un enfant, elle avait déjà 33 ans et cela ne fonctionnait pas. Alors bien évidemment, il a fallu faire des examens, prendre des rendez-vous... Tout ça en région parisienne, ça prend beaucoup de temps pour avoir des rendez-vous. Il y avait aussi des rendez-vous pour moi. Et puis finalement, les résultats tombent et nous indiquent que ce n’est pas terrible, ni pour l’un ni pour l’autre.


Nous avons fait une ou deux tentatives d’inséminations, qui ont été arrêtées tout de suite. Ça ne donnait rien. Ils ont donc décidé de nous faire faire des essais de FIV. Mais là aussi, ça prend du temps, car il y a beaucoup d’attente. Dans l’ensemble, les stimulations ne donnaient pas grand-chose. Et finalement, nous n’avons pu faire qu’un seul transfert, qui n’a évidemment pas marché.


Et puis au bout de 10 ans, on a été reçus par le biologiste du centre de procréation, qui a dit que ma compagne avait 43 ans et qu’il ne pouvait plus rien faire. Ils nous ont demandé si nous avions éventuellement songé à l’étranger, car il existait quelque chose qui s’appelait le don d’ovocytes et que nous pourrions éventuellement programmer.


De par mon métier de voyagiste, je voyage beaucoup. Alors en 2010, j’ai d’abord cherché à me renseigner sur ce qu’était le don d’ovocytes. On a d’abord vu l’Espagne. On a questionné quelques cliniques espagnoles et cela ne nous inspirait pas trop confiance, car cela avait un côté trop commercial.


Je voyageais en Europe de l’Est et j’avais vu qu’il y avait un certain nombre de cliniques, qui n’était pas très connues en France et qui proposaient ce type de traitements. J’ai donc contacté un certain nombre de cliniques, dont la plupart ne m’ont pas répondu, car évidemment ils ne parlaient même pas anglais.


L’une a répondu dans un très mauvais français, en nous disant qu’ils n’avaient jamais eu de patients étrangers, mais que nous pouvions venir pour qu’ils examinent notre cas. Nous y sommes donc allés. Au début, nous étions méfiants, car personne en France ne connaissait la PMA en République tchèque. Nous avons trouvé la clinique très moderne, semblable à ce que nous pourrions trouver en France, voire même mieux, en termes de bâtiments par exemple.


Et c’est ainsi que nous avons fait cette tentative de don à la clinique de Sanus à Hradec Králové. Évidemment, on a fait un deuxième voyage. Il a fallu rester 8 jours sur place : pour le prélèvement, la mise en culture, etc. Et oh surprise, ça a marché du premier coup. On n’y croyait pas. On avait fait ça un peu comme ça. Nous nous attendions à ce que ce soit négatif comme d’habitude, mais il semblait bien que le test était positif. Et c’est ainsi que nous avons maintenant une fille.


Comment s’appelle ta fille et quel âge a-t-elle ?

Elle s’appelle Charlotte et elle va avoir 12 ans.


Est-ce qu’elle ressemble à sa maman ?

Oui, c’est un peu surprenant, car évidemment elle ne devrait pas trop, mais tout le monde dit qu’elle ressemble à sa mère. Forcément, car il y a l’éducation et on finit toujours par copier un peu ses parents.

Et puis il y a l’épigénétique. Le fait de porter l’enfant fait qu’on peut activer un certain nombre de gènes. C’est quelque chose de récent, l’épigénétique, mais il semblerait, d’après ce que disent les spécialistes, que l’on arrive à transmettre intra-utéro un certain nombre de choses aux enfants, même si nos gamètes viennent d’ailleurs.


Est-ce que ta fille se pose des questions et demande si vous êtes ses vrais parents ?

Franchement, non. Elle ne se pose pas ce type de questions. D’abord, parce qu’on a une association sur la PMA. Elle en entend parler toute la journée depuis qu’elle est toute petite. Pour elle, c’est donc normal. Ce sont presque les autres méthodes qui ne sont pas normales pour elle, car elle vraiment dans la PMA. Les questions du don et de la FIV, cela n’a pas de secret pour elle.


Pendant ton parcours de PMA as-tu ressenti des émotions ou des sentiments particuliers ?

Bien évidemment, il y a quand même du découragement à chaque fois qu’il y a un échec. Surtout que 10 ans c’est long, même quand on est quelqu’un de patient. Les médecins n’ont pas toujours d’empathie et ça peut se comprendre. Ils ont une salle d’attente qui déborde de gens et ils n’ont pas le temps de s’occuper de la psychologie des patients. Il y a donc évidemment de grands moments de découragement. On se dit qu’on ne va jamais y arriver et que ce n’est pas possible.


Et puis des fois, on a l’impression d’être des machines. Il faut faire les choses tel jour à telle et cela manque un peu de spontanéité, si j’ose dire.


Pourquoi as-tu créé l’association les Cigognes de l’espoir ?

Quand Anne, ma compagne, est tombée enceinte, elle a voulu le crier au monde entier ou presque, tellement elle était contente. Elle a donc commencé par passer des messages un peu partout sur les réseaux sociaux. Elle « criait de joie numériquement ».


Et il y a eu beaucoup de réponses de gens, qui voulaient des informations. Ils voulaient savoir comment elle avait fait, car elle n’était plus toute jeune à 43 ans. Qu’est-ce que c’était que le don d’ovocytes ? On en parlait très peu à ce moment-là. On s’est dit que pour faire face à tout ça, il fallait structurer un peu. Et c’est comme ça qu’on a eu l’idée de créer ce qui devait être une petite association. Et bien sûr avec le temps, cette petite association est devenue grosse, voire très grosse, même si elle reste bien sûr à taille humaine.


En quoi consiste l’association les Cigognes de l’espoir ?

L’objet est large. Il s’agit d’aider les personnes en situation d’infertilité ou qui ont des difficultés à concevoir, en désir d’enfant, pas forcément pour une infertilité médicale, mais parfois aussi sociétale. Ça peut inclure de faire des enfants quand on est seule ou un peu plus âgée. Enfin, c’est vraiment très large.


Pour faire court, l’activité consiste à aider pour tout ce qui n’est pas médical dans la fertilité. Cela va du :

  • soutien psychologique,

  • groupes de paroles,

  • aider à faire des dossiers de sécurité sociale,

  • faire de la « formation »,

  • de l’information,

  • faire une veille scientifique,

  • orienter vers des thérapeutes médecines douces, même si on sait que ce n’est pas un soin, mais seulement un accompagnement,

  • souvent rassurer en parlant avec les gens.

Et puis, en ce qui concerne le don d’ovocytes, parce qu’on est devenus un peu spécialistes, on donne bien sûr de l’information technique, mais aussi des conseils sur des cliniques à l’étranger. Nous avons mis un certain temps avant de les choisir. Ce n’est pas simple, c’est un peu la jungle. Et on s’est dit qu’on voudrait aider les adhérents de l’association, pour qu’ils n’y passent pas autant de temps que nous et leur faire éviter certains pièges face à des cliniques qui ne seraient pas sérieuses, qui seraient des boîtes à fric, etc.


On a donc fait une sélection de cliniques « conseillées » assez réduite, car nous avons établi une charte avec des critères. Et finalement, peu de cliniques correspondent à ces critères.


Et on a demandé à ces cliniques de faire un effort vis-à-vis des membres de l’association, avec un tarif spécial.


Est-ce que l’association Les Cigognes de l’espoir emploie des salariés ?

Bien sûr que non. Nous n’en avons pas du tout les moyens. Il n’y a que des bénévoles. On dépend uniquement des bonnes volontés des uns et des autres, qui sont souvent d’anciens membres de l’association ou des parents d’enfants nés d’une PMA. Notre financement dépend uniquement des cotisations et des ventes de goodies ou de bouquins, ce qui ne représente que 5 % du budget. D’ailleurs, nos comptes sont publiés sur le site Internet de l’association et ils peuvent être téléchargés.


Est-ce que tu consacres une part importante de ton temps à l’association Les Cigognes de l’espoir ?

On y passe beaucoup de temps. Tout d’abord, parce que je trouve ça passionnant. On est tellement heureux quand les gens nous disent qu’ils ont réussi et qu’on les a aidés à faire le bonheur de leur vie. C’est tellement gratifiant qu’on envie de continuer pour qu’il y en ait de plus en plus. Ça représente donc des heures. Les bénévoles qui participent à l’association y passent beaucoup de temps, ne serait-ce que pour répondre à la permanence téléphonique, qui représente plus de 40 heures de travail par semaine.


Pourquoi proposes-tu des thérapeutes médecines douces sur le site Internet ?

Pour être honnête au départ, j’étais sceptique sur les médecines douces. Aux débuts de l’association, nous avons été contactés par une jeune étudiante en ostéopathie, qui a commencé par nous expliquer que cela pouvait aider en matière de fertilité, qu’elle allait être bientôt diplômée et qu’elle aimerait bien pouvoir faire une étude avec nos patients. Avec les membres de l’association, on a été d’accord. Et puis, cette étude a prouvé que cela améliorait les résultats de presque 50 %. Et elle a même reçu un prix européen pour son étude.


Et on s’est dit que les médecines douces servaient peut-être à quelque chose. Puis on a commencé à regarder les autres techniques. Moi, j’avais déjà envie d’essayer à titre personnel à cause de ma nervosité naturelle. Je suis un grand anxieux. Et j’ai trouvé que certaines méthodes pouvaient apporter quelque chose. Ça ne soigne jamais, c’est un accompagnement qui peut donner un bien-être et qui peut traiter le stress. Or, en matière de PMA et d’infertilité, le stress est quand même extrêmement important.


Qu’est-ce que tu recommanderais le plus comme médecines douces ?

Je pense que c’est difficile de répondre. Ça dépend de chaque personne, en fonction de son tempérament. Et telle pratique ne sera pas du tout adaptée à telle personne. Je crois qu’il faut que les gens testent pour savoir ce qui peut fonctionner.


Il y en a pour lesquelles on a déjà des résultats scientifiques, comme l’ostéopathie, où là c’est clair. L’acupuncture, d’après certaines études assez détaillées, pourrait également donner des résultats. On ne peut pas forcément faire des études scientifiques, car elles coûtent une fortune. Il faudrait faire des études en double aveugle. Ce sont des budgets que les praticiens en médecine n’ont pas les moyens d’engager.


Je suis thérapeute à Nice et souvent les personnes font une sorte de shopping au niveau des médecines douces. Ils cherchent une sorte de méthode miracle, qui va leur permettre de tomber enceinte. Que penses-tu de ça ?

La méthode miracle n’existe pas. Le thérapeute qui vous dit que vous tomberez enceinte en 15 jours grâce à lui, il faut s’en méfier et ne pas y aller. C’est comme ceux qui proposent des forfaits miracle de 3 séances pour 1200 euros. Il ne faut pas y aller. C’est du bon sens. Ça ne peut être qu’un accompagnement qui aide à côté du traitement médical. Bien sûr, le traitement médical est primordial.


Pour finir, quel est le message que tu aimerais laisser aux personnes en désir d’enfant et qui seraient un peu désespérées ?

Gardez espoir, ça va marcher. Il faut en être convaincu.


Philippe Roussel vice-président des Cigognes de l'Espoir


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